Topos et photos sur la montagne hors des sentiers battus, par l'auteur des Randonnées du vertige
20 Janvier 2022
En rapport avec la carrière de l'Échaillon, voici quelques curiosités internes ou voisines sur lesquelles vous trouverez sans doute peu d'informations ailleurs. Une autre page de ce blog présentait la carrière elle-même, très parcourue aujourd'hui.
Tout à la fin (n° 5), le compte-rendu de la liaison que nous avons réalisée en janvier 2022 entre la carrière romaine de marbre rose et celle de l'Échaillon par un grand rappel au-dessus de l'arche.
1 - Dans le plafond de la grande galerie aux wagonnets, à près de 30 mètres de hauteur, on distingue un trou rond d'une dizaine de mètres de diamètre : "le Grand Ciel". Des échafaudages en bois garnissant la galerie permettaient l'accès au plafond, où les ouvriers détachaient des blocs de plus en plus haut. À cette occasion, ils ont donc naturellement découvert ce filon, aujourd'hui difficilement accessible. Les spéléos du SGCAF, mon ancien club, ont réussi à y parvenir en escalade artificielle et la corde qu'ils ont laissé pendre nous a permis de nous y rendre (merci à eux, mais il faudrait la changer et supprimer le frottement). Le trou est bordé par une vire praticable qui donne accès à deux rampes partant dans deux directions opposées. La plus grande est très pentue et les spéléos y ont laissé une corde fixe. Au vu de restes de ferrailles, il est à supposer que les ouvriers utilisaient une sorte d'escalier. D'après la topographie des lieux, l'autre rampe arrive non loin d'une carrière située au-dessus, dont on peut aller voir l'entrée, et qui fait l'objet du 2e sujet.
Grande galerie : remontée au jumar sur la corde des spéléos pour accéder au trou dans le plafond, à 30 mètres de hauteur.
La même rampe vue du haut. Le trou s'ouvre en bas. On reste perplexe devant les techniques utilisées pour y descendre ces blocs de plusieurs tonnes.
2 - La grande arche. À la sortie sud de la carrière, dont cette zone appartenait à une autre famille que les Biron (les Milly-Brionnet), on remarque des pieux qui encadrent une rude montée sur la droite. Elle mène à une grande arche creusée dans un pilier à l'entrée d'un petit cirque où se trouve une carrière aérienne. À quoi servait cette arche (ou plutôt ce tunnel), sachant qu'on pouvait faire passer les blocs de marbre juste à côté ? Est-elle entièrement artificielle ou le simple élargissement d'une faille existante pour exploiter un filon ? En tout cas, des coups de barres-à-mine y sont visibles et d'autres vestiges métalliques prouvent que ce secteur a été exploité.
À droite de l'arche, des vestiges métalliques permettent de descendre dans un couloir et une galerie rejoignant la sortie sud-ouest.
3 - Le pertuis de l'Échaillon. Comme la grande arche décrite ci-dessus, celle-ci est dans la liste des quelque 300 arches du Vercors que j'ai établie ici : http://www.pascal-sombardier.com/2018/12/les-arches-du-vercors.html. On me demande souvent où elle se trouve, car elle est perchée en haut du pilier de 200 m qui domine la carrière et il faut savoir qu'elle est là. C'est de la place centrale de Voreppe qu'on la distingue le mieux, ou des Îles de Moirans de l'autre côté. Comme je la vois de chez moi depuis plus de 35 ans, je me suis enfin décidé à lui rendre visite ce mois de mai 2018, ce qui m'a conduit à descendre tout le pilier en 6 rappels, pour arriver en pendule devant l'entrée la plus à gauche de la carrière. Cette descente est assez technique et il ne faut s'y engager qu'avec une solide connaissance des manœuvres de corde. Me contacter pour infos.
Le pilier du Bec de l'Échaillon de profil vu de Voreppe. Le pertuis traversant la partie supérieure est bien visible (dans le "nez" tout en haut).
Le pilier descendu en rappel vu des étangs de la Volma. La carrière est sous le bouquet d'arbres sombre au centre.
Le deuxième rappel permet de prendre pied dans le pertuis par une petite vire à l'est. Les suivants se font de l'autre côté après la traversée du tunnel. Au fond, on aperçoit Voreppe et l'aiguille de Chalais.
4 - L'ancienne carrière de marbre rose. Il faut lire à ce sujet l'article de Baudouin dont le lien est ci-dessous. Situé 600 mètres à droite de l'entrée sud-ouest de l'Échaillon derrière une immense écaille, le site n'a qu'un intérêt historique, puisqu'on ne peut plus rentrer dans les galeries complètement obstruées par des éboulements et/ou des dynamitages. J'y ai rencontré deux spéléos lyonnais opiniâtres qui essayent de déblayer l'entrée depuis cinq ans et je leur souhaite bon courage... Comme le dit Baudouin, le site est curieux, et notamment cette rampe pavée assez raide dans le couloir d'accès. J'y ajouterai un énorme mur de près de 10 mètres de hauteur qui soutient toute la plate-forme où se trouve la carrière et son chemin d'accès, pavé lui aussi. Cette carrière, qui daterait de l'antiquité, n'est plus exploitée depuis 300 ans et le chemin qui y mène est en mauvais état et très raide. Mais on ne peut rester insensible devant les traces du travail colossal qui a été effectué ici dans des temps très anciens et qui est tombé quasiment dans l'oubli.
À lire, cet article très complet de Baudouin Lismonde dans Scialet n° 41 de 2012 :
5 - Liaison carrière de marbre rose - grande arche : c'est la sombarderie du secteur avec un rappel de 60 m qui arrive dans la grande arche depuis une crête effilée qui surplombe la carrière Milly-Brionnet. L'accès à la carrière de marbre rose, qui est située à 900 mètres au sud-ouest de l'entrée nord de celle de l'Échaillon, et à 600 mètres de son entrée sud, est assez ardue. Il existe une vague trace au début, mais la montée dans le couloir derrière la grande écaille le long de la rampe romaine est un moment de bravoure. La traversée qui suit au-dessus du grand mur n'est pas non plus toujours très aisée et se termine sur une crête effilée dans une ambiance impressionnante. Mais trois quarts-d'heure d'effort, cela reste humain, et en plus, il y a quelque chose d'émouvant à évoluer ainsi au milieu de vestiges vieux de 2000 ans, sur un site qui devait être bien différent à l'époque.
Descendre de la carrière romaine par la carrière Milly-Brionnet implique de faire un rappel qui demande de la décision. Mon amarrage est resté en place sur un arbre et un becquet, mais ce rappel fait 60 mètres. Il faut donc avoir deux cordes de cette longueur, ou un escaper sur un seul brin de 60, ce que nous avons fait. Il n'y a pas de frottement et il se décroche bien. On peut ensuite rentrer en traversant toute la carrière souterrainement et en descendant sous l'entrée nord. Une jolie combinaison ! Qui veut des infos ++ peut me contacter en mp.
La montée dans le couloir derrière la grande écaille. La rampe romaine pavée est plus haut (photo Laurent Jacquet).
Laurent le long de la rampe romaine : du haut de ces pierres alignées, 20 siècles nous contemplent !
Au sommet de l'écaille. Beaucoup de traces de vie ici. En plus de la carrière, ce devait être un bon poste de guet sur la vallée (photo Laurent Jacquet)..
De gros blocs ont été sortis de là pendant des siècles et il ne reste plus grand chose. Une entrée de galerie à droite de cet abri rocheux est en cours de déblayage par des spéléos lyonnais (photo Laurent Jacquet).
J'arrive (au centre) sur la crête effilée au-dessus de la grande arche. C'est là que nous poserons le rappel (photo Laurent Jacquet).
Michel Rousseau au départ du rappel avec l'escaper. Commentaire : "Ce rappel est très impressionnant. Départ plein gaz à 60 m du sol, pas super confort, environnement très austère. J'avoue avoir été très concentré pendant les premiers mètres". Et dans les derniers, non ?