26 Mars 2020
Ce numéro hors-série de MM est le cinquième que j'aurai entièrement réalisé. Comme pour les précédents, j'ai écrit tous les textes et fait toutes les photos. Les randos sont parfois hors normes, avec un certain nombre de sombarderies comme vous les aimez . Il a été préparé avant la tourmente du covid19, et sort au plus fort de la vague, ce qui n'était évidemment pas prévu. Mais il est possible de se le procurer en kiosques, puisque ceux-ci restent ouverts. Il existe aussi une version en ligne sur le site de MM, gratuite vu les circonstances. La lecture est une des rares activités qui restent d'actualité, et ce genre de littérature est de toute façon destiné à faire des projets, ou simplement à alimenter le rêve, donc...
Je propose des balades de tous niveaux, et des sombarderies plutôt gentilles. Vous trouverez des reprises de certains de mes bouquins épuisés depuis longtemps et qu'on me demande régulièrement, mais aussi des digressions ou des prolongations sur certaines classiques qui m'ont paru dignes d'intérêt. Bonne lecture !
Je publie ci-dessous le texte de mon édito, moyen le plus simple de présenter un peu plus ce numéro.
Préserver le goût de l’aventure
La plupart des itinéraires présentés dans ce hors-série sont représentatifs d’une forme de randonnée qui s’est beaucoup développée ces quinze dernières années. Il s’agit de sortir des sentiers battus pour rechercher des ambiances particulières, insolites ou impressionnantes, de partir à la découverte de merveilles naturelles inconnues, de gravir des terrains parfois escarpés dans des endroits perdus et sauvages... Cette quête de sensations et d’imprévus, dont la finalité n’est pas uniquement sportive, semble inépuisable et a débouché sur de nombreuses nouveautés et découvertes. Il y a encore quinze ans, personne ne savait qu’il existait plusieurs milliers d’arches dans les Alpes, dont 200 pour le seul Vercors. À ces merveilles naturelles, qui ne constituent qu’un exemple, on peut ajouter nombre de parcours originaux imaginés par une poignée de passionnés. Quand ils n’ont pas simplement utilisé les subtilités du relief, ces défricheurs de rêves se sont amusés à relier des tronçons oubliés de sentiers de chasseurs ou de bergers. Si certaines des randonnées présentées dans les pages qui suivent ne sont pas de tout repos, la plupart restent accessibles aux montagnards possédant un minimum d’agilité, la capacité d’évaluer le terrain et leurs propres limites, ainsi qu’un bon sens de l’itinéraire.
À ce propos, le caractère sauvage et aventureux de ce type de randonnée en faisant tout l’intérêt, je pense que l’on devrait s’interroger sur certaines dérives malheureusement courantes dans le petit monde de la randonnée. Les pires sont peut-être celles qui consistent à appeler les secours à la première difficulté, ou à laisser ses déchets... Mais je voulais plutôt évoquer ici le fleurissement de barbouillages fluo ou d’équipements souvent inutiles. Il existe une infinité de sentiers officiellement balisés pour ceux qui affectionnent une pratique traditionnelle et dépourvue de risques, et c’est bien ainsi. Mais le type de parcours dont il est question ici s’adresse à ceux dont le plaisir naît de la recherche, de l’engagement et de la découverte. Il me semble donc absurde de chercher à banaliser ces terrains d’aventure, d’autant plus que cela augmente la prise de risque pour les randonneurs classiques, lesquels trouveront leur plaisir ailleurs.
Un exemple intéressant vient des grimpeurs, qui ont depuis longtemps édicté une règle de conduite consistant à préserver un certain nombre de terrains d’aventure. Afin de ne pas totalement aseptiser leur pratique, et pour conserver l’esprit des pionniers, ils s’imposent de laisser certaines voies dans l’état où leurs ouvreurs les ont trouvées et de ne pas les équiper à grand renfort de perceuses et de scellements. Je pense que cet esprit devrait être présent chez tout montagnard digne de ce nom.