26 Avril 2020
Durant le confinement, mon blog a été très consulté. Il l'est encore plus depuis qu'on parle de déconfinement, et je vous remercie de votre intérêt. Il fallait profiter de la situation pour lire, s’informer et se préparer à des jours qu'on espère meilleurs plutôt que de passer son temps à regarder des messages angoissants ou faux sur les réseaux sociaux.
Ce confinement a imposé des restrictions qu’il ne m’appartient pas de définir ni de commenter, le but principal étant de ne pas surcharger les services de secours et les hôpitaux en les sollicitant au moindre problème. C'était l'occasion de réfléchir à la manière dont se pratiquent aujourd'hui les activités de montagne.
Le tableau publié ci-dessous a de quoi surprendre : contrairement au sens commun, ce ne sont pas les activités techniques qui génèrent le plus d'interventions, mais la promenade et la randonnée à pied, et de très loin. Peut-être que la restriction des activités sportives serait mieux passée si les autorités avaient expliqué cette particularité dès le début ? Et sans doute n'en serait-on pas là si plus de gens partaient en montagne avec un peu plus de préparation et d'information, en évitant de demander une assistance pour une simple angoisse ou un bobo ? Cette attitude me paraît symbolique d'une société un peu trop gâtée, et profondément contradictoire avec l'esprit de la montagne.
Depuis le début du confinement, il y a malheureusement eu des opérations de secours lourdes pour des cas mortels comme au Néron, et d'autres plus légères, comme cette dame en talons en perdition dans un champ trop raide au-dessus de chez elle... Elles auraient pu - elles auraient dû - être évitées, et pas seulement durant cette période, mais d'une manière générale.
Ce document émanant du Système National de l'Observation de la Sécurité en Montagne me paraît intéressant dans l'absolu. Il concerne essentiellement la Haute-Savoie, l'Isère et les Hautes Alpes. Petite précision : l'abréviation nt qui apparaît avec un chiffre dans les décès signifie "non traumatique", c'est-à-dire décès survenus à cause d'un malaise cardiaque ou autre (hypothermie), et non suite à un accident.
J'avais fait une enquête il y a quelques années pour Montagnes Magazine auprès des secouristes sur cette accidentologie étonnante, vu le grand nombre d'interventions auprès des randonneurs. Ce phénomène est récurrent depuis des décennies, mais il est malheureusement peu connu. S'il l'était davantage, on verrait peut-être un peu moins d'accidents dus à l'impréparation.
En fait, comme tout le monde fait de la randonnée, et pas seulement des sportifs entraînés ou expérimentés, on trouve des gens qui peuvent avoir un malaise, ou une crise cardiaque, ou une simple entorse. Parfois, ils se perdent, même sur des sentiers balisés (certains disparaissent et il faut les rechercher pendant des jours), ou ils sont angoissés et ont peur de ne pouvoir assurer le retour. Parfois, ils sont simplement fatigués, et dans tous ces cas, ils n'hésitent pas à prendre leur portable pour appeler l'hélico. Les secours concernent assez peu ceux qui s'engagent sur des itinéraires vraiment aventureux et qui savent - en principe - ce qu'ils font. Toutefois, il me semble que les pratiquants de la plupart des disciplines manquent de plus en plus d'autonomie et tombent un peu trop facilement dans le recours à l'assistance au moindre pépin.
Je ne jette la pierre à personne. C'est humain, et on peut être fier d'avoir un système de secours si performant et disponible. Mais ces habitudes, un peu trop citadines sans doute, nous les payons aujourd'hui. Il était difficile de les encourager, surtout avec la météo qui était divine (quel gâchis !), l'absence de neige et la disponibilité des gens, des facteurs qui, en rallongeant d'entrée la saison, risquaient de multiplier les problèmes.