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pascal-sombardier.com

Topos et photos sur la montagne hors des sentiers battus, par l'auteur des Randonnées du vertige

Pointe Lachenal : voie Marylène

Récit d'une ouverture improvisée

La pointe Lachenal (3613 m), dressée au centre de la Vallée Blanche, porte le nom du vainqueur de l'Annapurna, premier 8000 gravi, car il a trouvé la mort ici, dans une crevasse. Sa face sud-est, composée d'un beau granit orangé, a toujours été très fréquentée en raison de son accessibilité (45 minutes depuis le téléphérique de l'Aiguille du Midi). La voie Contamine de 1959 était déjà une grande classique bien avant que les Suisses (Michel Piola, Romain Vogler, G. Long, etc) ne créent de nombreux autres itinéraires dans les années 1980. En 1978, Guy Margotat (17 ans) et moi-même (24 ans) étions passés dessous, et, en levant la tête, je m'étais dis que les rochers de l'éperon central avaient l'air avenant. Je ne savais trop s'ils avaient été gravis, mais l'envie nous prit d'aller voir. N'ayant pas initialement ce projet, nous n'avions que des coinceurs et aucun piton, mais la curiosité l'a emporté. Surpris par la facilité des premières longueurs, et par celle avec laquelle je posais les coinceurs, je ne me suis plus arrêté jusqu'au sommet. 

Bilan : c'est une jolie voie, intéressante, assez facile et assurable tout le long avec des coinceurs, un must du clean climbing dont, je l'avoue, je n'ai pas réalisé tout de suite l'intérêt. D'un avis assez unanime, elle mériterait d'être plus parcourue.

Photo prise lors de l'ouverture par Guy, avec l'équipement d'époque. Nous étions en grosses : pas de chaussons et crampons dans le sac (du second).

Photo prise lors de l'ouverture par Guy, avec l'équipement d'époque. Nous étions en grosses : pas de chaussons et crampons dans le sac (du second).

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Je me rappelle que le soir, au refuge des Cosmiques, nous avions rencontré Yannick Seigneur et avions beaucoup discuté avec lui. Il avait souri avec bienveillance lorsque je lui avais dit qu'on avait "peut-être fait une première à la pointe Lachenal", qui plus est dans un registre de difficulté abordable, et il avait eu la gentillesse de demander aux guides présents ce qu'ils en pensaient. Personne ne savait trop... C'est en en parlant plus tard à des amis guides que la voie s'est fait connaître. Je pensais que cette ligne ne susciterait que peu d'intérêt, jusqu'à ce que je la découvre référencée dans le catalogue de la Compagnie des Guides de Chamonix. Je n'avais pas fait de topo, et il a fallu attendre plus de dix ans pour qu'elle soit décrite dans les livres "Le IV sup" de Pascal Tanguy, les topos de Michel Piola, et "Sommets du Mont-Blanc" de Jean-Louis Laroche et Florence Lelong. Aujourd'hui, on la trouve évidemment sur plusieurs sites participatifs, Camptocamp notamment, mais aussi sur un certain nombre de blogs et de vidéos.

Et tout d'abord, qui était cette Marylène ? Une jeune stagiaire en communication qui, avec son sourire, son efficacité et sa disponibilité, avait su intégrer l'équipe de Montagnes-Magazine dont je faisais alors partie. Nous lui avions même demandé de poser pour un article sur les falaises de Presles. Sur cette couverture restée mythique de MM n° 18 (mai 1980), elle apportait un peu de fraîcheur dans un univers encore très masculin.

Et tout d'abord, qui était cette Marylène ? Une jeune stagiaire en communication qui, avec son sourire, son efficacité et sa disponibilité, avait su intégrer l'équipe de Montagnes-Magazine dont je faisais alors partie. Nous lui avions même demandé de poser pour un article sur les falaises de Presles. Sur cette couverture restée mythique de MM n° 18 (mai 1980), elle apportait un peu de fraîcheur dans un univers encore très masculin.

La voie Contamine et une quinzaine d'autres sillonnent la grande dalle de droite. La voie Marylène attaque à la pointe de l'éperon qui descend au centre sur le glacier.

La voie Contamine et une quinzaine d'autres sillonnent la grande dalle de droite. La voie Marylène attaque à la pointe de l'éperon qui descend au centre sur le glacier.

Pour son livre "Le IV sup" paru en 1990, le guide Pascal Tanguy a repris la voie, la qualifiant de "conviviale, athlétique dans la partie centrale, et avec une sortie spectaculaire" (photo issue du livre de P. Tanguy).

Pour son livre "Le IV sup" paru en 1990, le guide Pascal Tanguy a repris la voie, la qualifiant de "conviviale, athlétique dans la partie centrale, et avec une sortie spectaculaire" (photo issue du livre de P. Tanguy).

La voie a été présentée dans ce qui fut le best-seller de la collection "Montagne-Randonnée" des éditions Glénat.

La voie a été présentée dans ce qui fut le best-seller de la collection "Montagne-Randonnée" des éditions Glénat.

Le topo de Jean-Louis Laroche me paraît être le plus proche de mes souvenirs. Certains autres topos indiquent du 6a, mais j'ai tout ouvert en grosses en m'assurant uniquement avec des coinceurs. Je n'aurais pas passé du 6 dans ces conditions.

Le topo de Jean-Louis Laroche me paraît être le plus proche de mes souvenirs. Certains autres topos indiquent du 6a, mais j'ai tout ouvert en grosses en m'assurant uniquement avec des coinceurs. Je n'aurais pas passé du 6 dans ces conditions.

Le topo de Laroche/Lelong est à mon avis bien fait. J'en avais discuté avec eux lors de la réalisation de leur livre, et pour ceux qui l'ont suivi à la lettre, il n'y a pas de problème : https://www.camptocamp.org/outings/1552350/fr/pointe-lachenal-marylene

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Ce topo tiré du site d'Hervé Thivierge indique du 6a dans deux longueurs, ce qui me paraît curieux. Tout le monde ne passe peut-être pas au même endroit...

Ce topo tiré du site d'Hervé Thivierge indique du 6a dans deux longueurs, ce qui me paraît curieux. Tout le monde ne passe peut-être pas au même endroit...

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Je n'ai pas retrouvé toutes les photos que j'avais prises lors de l'ouverture de "Marylène", et en plus ce sont des diapos (la Préhistoire(-:). Aussi ai-je demandé l'autorisation d'en publier ici quelques-unes à Fred Vionnet, qui fait une présentation de la voie sur son site "Grimpisme". Les trois assemblages qui suivent sont de lui et je le remercie encore.

Ici, on voit l'attaque. D'après ce que j'ai pu lire et entendre, il semble que, depuis mon ouverture, le retrait du glacier a rajouté une trentaine de mètres à la voie. Je n'avais pas eu de difficultés supérieures au 4 dans la première longueur, et celle qui s'est rajoutée dessous est en 5a.

Ici, on voit l'attaque. D'après ce que j'ai pu lire et entendre, il semble que, depuis mon ouverture, le retrait du glacier a rajouté une trentaine de mètres à la voie. Je n'avais pas eu de difficultés supérieures au 4 dans la première longueur, et celle qui s'est rajoutée dessous est en 5a.

Un beau granit bien fissuré propice aux coinceurs bétons.

Un beau granit bien fissuré propice aux coinceurs bétons.

Certains se plaignent de ne pas voir de pitons. Mais c'est justement l'intérêt, et ce n'est pas si courant. Qu'est devenu le courant impulsé par les grimpeurs anglo-saxons dans les années 1970 ?

Certains se plaignent de ne pas voir de pitons. Mais c'est justement l'intérêt, et ce n'est pas si courant. Qu'est devenu le courant impulsé par les grimpeurs anglo-saxons dans les années 1970 ?

Scan d'une photo que j'avais prise lors de l'ouverture. On y voit un grimpeur dans la fameuse voie Contamine, que nous avions faite quelques jours auparavant, et qui est nettement plus difficile.

Scan d'une photo que j'avais prise lors de l'ouverture. On y voit un grimpeur dans la fameuse voie Contamine, que nous avions faite quelques jours auparavant, et qui est nettement plus difficile.

Dans son livre "Le Mont Blanc" (Glénat, 1990), Michel Piola cite la voie Marylène parmi les 29 autres itinéraires alors ouverts sur cette paroi. Il la cotait D sup et en parlait comme "l'un des rares itinéraires peu extrêmes de ce secteur". J'ai ouvert peu de voies par rapport à des grimpeurs hyperactifs comme lui, mais certaines sont devenues très classiques justement pour leur difficulté moyenne. C'est le  cas de la dernière en date (2011), Vendange tardive à l'Obiou. Je dirais, pour conclure, qu'il devient aujourd'hui plus difficile d'ouvrir une voie facile qu'une voie extrême, parce qu'il faut bien chercher...

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