12 Octobre 2023
Une vire de 3 kilomètres de long traverse le versant sud de l'Aup de Véran dans les Fiz en Haute-Savoie. J'avais décrit une petite partie de cette vire en 2016 dans un de mes ouvrages (1), mais il est question ici de la traversée intégrale, réalisée depuis dans les deux sens selon une boucle logique. Cet itinéraire est à mon avis l'un des plus beaux des Alpes par son ambiance, sa situation au milieu d'une falaise particulièrement haute et raide, mais aussi pour les paysages qu'il traverse. On peut le comparer aux vires du Glandasse ou d'Archiane en Vercors, en plus long.
En juillet 2022, Laurent Jacquet et moi avons réalisé un projet qui me trottait dans la tête depuis 2016 : l'intégralité de la vire sud depuis le col de Monthieu jusqu'à la Croix de Fer. Nous avions pris la corde, mais elle est restée dans le sac. C'est surprenant pour une vire aussi longue et exposée. Aucun passage vraiment technique n'entrave la progression, sinon un couloir assez raide au niveau de la faille d'Aujon.
En octobre 2023, je suis retourné sur cette vire en partant de la Croix de Fer. Mon idée était de voir s'il était possible de shunter le couloir de la faille d'Aujon par un ou deux rappels dans le goulet situé juste avant. C'est en effet une bonne solution, qui permet, grâce à ces deux petits rappels, de ne pas avoir à se faire peur dans la descente très raide du couloir. Du coup, j'ai complété le topo et vous y trouverez les deux options : sens est-ouest et sens ouest-est.
1 - Afin de réaliser la classique traversée des arêtes, je décrivais dans Alpes, randonnées insolites et spectaculaires un accès par l'extrémité ouest de cette vire pour gagner la brèche entre l'aiguille d'Aujon et le Chapeau Gaspard, plutôt que par le couloir malsain du versant nord. Mais la tradition ayant la vie dure, les randonneurs passent toujours par le nord alors que cette petite portion de la vire sud, ensoleillée et tracée, mène à un petit couloir d'accès dont l'équipement permet de s'assurer efficacement (mais peut se faire sans corde pour une personne habituée à ce terrain).
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L'image d'un océan de calcaire est particulièrement adaptée à ce paysage. Des lapiaz magnifiquement sculptés donnent accès à cet univers marqué par la verticalité. Les grimpeurs fréquentent le site et utilisent partiellement la vire et des passages scabreux pour en descendre, mais son parcours intégral n'a jamais fait l'objet d'une description vraiment logique. On trouve sur le Net des relations utilisant des passages plutôt destinés à des grimpeurs, ou ne cherchant pas à faire une boucle intégrale. L'une d'entre elles est due au team Passy Alpirunning qui défriche le coin, et dont les randos du vertige sont époustouflantes. J'ai été particulièrement séduit par celle-ci https://www.camptocamp.org/outings/1477506/fr/via-alpina-de-warens (âmes sensibles s'abstenir).
Topo détaillé par simple clic sur le doc PDF ci-dessous :
La grande vire est en rouge. Les rappels permettant d'éviter la faille d'Aujon sont en blanc. Le tracé pointillé orange indique une variante de descente utilisée par les grimpeurs, mais assez scabreuse (cordes fixes en mauvais état). Le pointillé en haut de la faille d’Aujon figure le contournement par le sommet stratifié pour regagner la vire. Le pointillé jaune de gauche indique l’aller-retour facultatif à l’aiguille d’Aujon par un petit couloir équipé.
1 - Dans le sens est-ouest (du col de Monthieu à la Croix de Fer)
Après l'approche rapide depuis Flaine, on pénètre dans l'univers minéral du versant sud de Véran. Les bouquetins sont manifestement habitués à l'homme...
Le col de Monthieu n'est qu'à dix minutes du haut de la télécabine, mais le "chemin" est un peu spécial...
On traverse des lapiaz qui figurent parmi les plus beaux des Alpes. Ces sculptures de pierre sont toujours un émerveillement.
Après cet épisode lapiasique, on quitte le balisage jaune pour suivre une rampe évidente, puis quelques gradins faciles (le deuxième couloir visible ici) pour monter sur la vire.
La vire est herbeuse tout le long, et on y trouve une trace due aux bouquetins, nombreux dans le secteur. Au fond, la Tête du Colonney.
Ce qui nous a également étonné est la profusion de fleurs sur la vire. Laurent dit qu'il n'en avait jamais vues autant, surtout qu'on y trouve de véritables champs de fleurs rares, comme la nigritelle noire.
Le principal problème est la faille d'Aujon, qui décale les deux parties de la vire. il faut donc monter d'un étage (photo Laurent Jacquet).
La pente herbeuse que l'on voit de face est en fait un cul-de-sac (la vire qui la domine aussi). Il faut donc prendre l'étroit et raide couloir avant à droite. Dans l'autre sens, on peut éviter ce passage par deux rappels (voir plus bas).
Arrivée sur la crête, en haut du couloir raide de la faille d'Aujon. Là, pour gagner la suite de la vire, il faut passer par dessus ce sommet stratifié, puis traverser en contrebas du suivant.
Une petite idée du paysage que l'on aperçoit depuis la crête. Au fond, le massif du Mont-Blanc avec l'aiguille Verte au centre, et les Grandes Jorasses à sa droite.
Et la vire continue de plus belle. Là, on arrive au-dessus de la partie la plus raide et la plus haute de la falaise. On voit au loin l'extrémité ouest de la vire (photo Laurent Jacquet).
Laurent ! Ne te laisse pas distraire par l'aspect botanique du lieu ! Regarde où tu mets les pieds !
2 - Dans le sens ouest-est (de la Croix de Fer au col de Monthieu)
L'approche par Aujon se fait en partie dans de beaux lapiaz. Pour traverser ceux-ci, ne perdez pas les traces rouges.
La montée à la Croix de Fer depuis le belvédère d'Aujon se fait dans les gradins raides que l'on voit ici derrière Raf. La croix se trouve sur le replat ensoleillé à droite de l'aiguille d'Aujon.
Le belvédère d'Aujon offre une vue époustouflante sur les falaises plus que verticales qui dominent la vallée de l'Arve.
Vu de la croix de fer, Raf Rodon est sur l'extrémité ouest de la vire. C'est cette petite partie que, dans "Alpes, randos insolites et spectaculaires", je préconise d'utiliser pour rallier la brèche entre l'aiguille d'Aujon et le Chapeau Gaspard afin de continuer sur la classique traversée des crêtes de Véran. C'est beau, ensoleillé et plus sûr que le passage malsain du versant nord.
De nombreuses plates-formes et autant de belvédères invitent à s'arrêter ponctuellement pour profiter de cette ambiance extraordinaire.
Malgré le dévers parfois important, la trace des bouquetins permet de progresser rapidement. Il ne faut que 40 minutes de la Croix de Fer à la faille d'Aujon.
Arr!vé devant la faille d'Aujon, plutôt que traverser à gauche, on peut donc descendre ce goulet en deux petits rappels.
Les rappels sont en rouge. En jaune, on reconnaît le couloir et la traversée obligatoires dans l'autre sens.
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