9 Novembre 2022
Dans la "rando" présentée ici, on côtoie une légende sans être soumis à ses contraintes techniques. La première ascension du pilier sud-est du pic de Bure, haut de 600 m, fut en effet une réalisation majeure de l’un des plus grands alpinistes français : René Desmaison. En 1961, avec André Bertrand et Yves Pollet-Villard, il ouvrit en 3 jours ce qui fut longtemps considéré comme la plus dure escalade calcaire de nos Alpes. L’ampleur du pilier, sa raideur, la mauvaise qualité du rocher, la notoriété de René, tout cela a contribué à créer un véritable mythe, encore vivace aujourd'hui malgré l'évolution des critères de la discipline, le nettoyage et l'équipement de la voie.
Après le premier parcours des pentes sud-est qui s'étendent à gauche de ce monument - effectué en compagnie du regretté Jean-Michel Genève en août 2007 (et que j'ai refait plusieurs fois ensuite) -, je n'ai publié qu'une photo du tracé sur Bivouak.net, l'exposition extrême et continue de ces lignes fuyantes me semblant difficilement conseillable. Mais de nombreux pratiquants manifestèrent leur intérêt et les répétitions se multiplièrent malgré l'engagement induit, mythe oblige. Certes, une petite tension transparaissait dans les commentaires : "Une sortie sérieuse, une randonnée alpine pour alpinistes... On ne peut pas s'assurer... Il faut surveiller les prises pendant 700 m. Superbe ! Grosse ambiance, belles parois, descente sereine et rapide...". Mais après tout, c'est le lot de la plupart des voies normales d'alpinisme, et la vraie pratique de la montagne ne peut se concevoir sans quelques risques et émotions fortes.
Cette face était déjà parcourue plus à gauche par un itinéraire relativement classique appelé "les Échelons" en raison des strates régulières du début, dans un couloir encaissé qui canalise les chutes de pierres. L'itinéraire présenté ici, plus évasé et plus louvoyant, est moins exposé à ce danger. Il offre en outre l'avantage d'aboutir tout près du sommet. La paisible approche depuis les Sauvas, fréquentée par de nombreuses hardes de chamois et de mouflons, est assez longue, mais elle permet d'envisager sereinement le retour par la voie normale.
Topo détaillé par simple clic sur le doc PDF ci-dessous :
Tout le long, l'approche est un régal pour les yeux et se termine dans ces beaux alpages où coule la fontaine de Bure.
Des abords du col de Rabou, on voit bien le pic de Bure (au fond au centre) avec, à sa gauche, les pentes de la face sud-est enneigées. Gérard Jund en avait fait la première en ski, en passant par un itinéraire proche des Échelons.
La partie supérieure peut s'aborder par la gauche, comme je le dis dans le topo joint. On escalade alors une sorte de couloir à droite d'une grotte.
On peut aussi passer par la droite, ce qui est plus facile, mais peut-être plus exposé. Claudine, dévoluarde, est née dans ces montagnes où un certain sens de l'équilibre est nécessaire...
L'autre parcours de cette face était assez connu et parcouru avant que nous tracions notre ligne plus à droite. Le problème de ces "Échelons" est que leur partie inférieure est dangereusement resserrée et canalise les chutes de pierre dans un couloir étroit et rocheux. J'y ai moi-même essuyé une volée de caillasses qu'un casque n'aurait pas suffi à rendre inoffensive si elle avait explosé plus près. La partie supérieure, herbeuse et délitée, est peu agréable et n'a rien à voir avec les quelques marches d'escalier du début qui valent son nom d'"échelons" à l'ensemble de façon un peu usurpée. En outre, on arrive sur le plateau assez loin du sommet.
Dans les Échelons, à une époque où le casque n'était pas une habitude... C'était de l'inconscience !
C'est ce jour-là que nous avions fait une étrange rencontre au sommet. Ces demoiselles semblaient avoir faim.
j'ai connu René Desmaison, auteur de la première du pilier sud-est en 1961. Je l'avais même photographié chez lui à Chamonix en 1979. À cette époque, il grimpait encore beaucoup, parfois seul. Là, il revenait de la voie des Parisens à la Pelle, qu'il avait faite en solo.
À voir aussi sur ce blog à propos du pic de Bure :
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