Les lames des Arçons

On trouve peu d'exemples d'un alpagisme aussi actif et organisé que dans le Trièves. Les pentes raides et les reliefs tourmentés qui s'élancent au-dessus de Mens, Saint-Baudille et Tréminis ne pouvaient se laisser apprivoiser sans quelques aménagements audacieux. Sur ce versant haut de 1 700 m, on compte ainsi cinq étages de sentiers en balcon, parfois taillés dans des terrains difficiles et ébouleux. Certains de ces itinéraires font partie des plus spectaculaires des Alpes, et notamment le fameux sentier de la Baronne ou le Château des Chèvres, qui étaient connus de quelques arpenteurs locaux avant que j'en parle dans mes ouvrages. Le sentier subtil qui se faufile parmi les lames rocheuses des Arçons servait à relier les zones d'alpage étagées dans la partie centrale de ce versant dantesque. Il n'était connu que de quelques locaux et c'est l'un d'entre eux qui me proposa de m'y emmener en 2009. Il appelait ce parcours "les Arçons", terme issu du milieu équestre qui évoque la forme courbée d'une selle. Dans son livre-référence (Le Guide de l'Obiou, éd. Gap, 1994), le regretté Pierre Barnola ne décrit pas cet itinéraire, mais évoque effectivement "les arçons" dans une page dédiée à l'étymologie. Selon lui, ces arçons seraient les barres rocheuses qui encerclent le cirque que l'on traverse pour revenir sur la crête de Courtet après les lames. Ces barres tithoniques, vieilles de 150 millions d'années environ, présentent en effet un joli profil arqué visible de loin, d'où le mot "arçons".

Un sentier assez bien tracé permet de jouir de ce décor, l'un des plus sauvages et des plus beaux du Trièves. On peut partir de Longueville ou de Tréminis, et je serais bien embarrassé si vous me demandiez laquelle de ces deux boucles est la plus belle. Toutes deux traversent des paysages variés, d'abord en forêt, puis au centre des grands bouleversements géologiques qui ont façonné ce versant et lui donne parfois des allures extra-terrestres. Si vous faites l'une, je ne peux que vous conseiller de revenir un jour pour faire l'autre. Les photos ci-dessous illustrent les deux solutions à deux époques différentes, ce qui peut expliquer certaines variations d'ambiance et de couleurs.

Topo détaillé par simple clic sur le doc PDF ci-dessous :

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Le versant ouest de l’Obiou vu du Monestier-du-Percy, avec les deux itinéraires permettant d’aller aux Lames des Arçons : à gauche (nord) la boucle depuis Longueville, et à droite, celle qui vient de Tréminis.

1 - Au départ de Longueville (commune de Saint-Baudille-et-Pipet)

Après une longue série de lacets en forêt, le sentier arrive face à la casse Varnage (casse = pierrier). Là, il faut quitter le chemin de Rochassac et traverser le cirque sous la casse. Les lames des Arçons sont derrière le mamelon à droite.

Approche depuis Longueville (tracé rouge). Le tracé depuis Tréminis est en jaune

Le sentier de traverse commence par descendre à cette petite cascade.

Puis il traverse le cirque avant de remonter en forêt.

À 1670 m, il faut quitter le sentier de traverse et monter vers les lames.

On pénètre dans les lames par une première vire.

Plus haut, on retrouve des pentes herbeuses raides où il faut penser à se retourner pour jouir du paysage.

La végétation est ici exhubérante et cache parfois le sentier, mais il est bien là.

Coup d'œil sur la plaine du Trièves et, au loin, le Vercors.

On voit ici la bifurcation stratégique. Pour aller dans le cirque des Arçons, il faut passer derrière la crête par une petite brèche (un peu à gauche du spectaculaire "doigt" qui est au centre de la photo). On voit le sentier ressurgir sur la crête de Courtet au fond. Sinon, pour aller à Rochassac par la casse Varnage, il faut partir à gauche comme l'ont fait les deux personnages.

On sort ainsi à 2000 mètres sur le sentier du tour de l'Obiou, au pied de l'arête de Fluchaire.

Le sentier du tour de l'Obiou traverse ensuite la casse Varnage. On aperçoit la bergerie de Rochassac à gauche.

La bergerie de Rochassac fut jadis desservie par un monte-charge, mais il ne reste plus que les pylônes.

Sous la bergerie, on trouve deux cabanes. Celle de gauche sert au berger. L'autre est un refuge refait en 2016 et assez confortable, mais exigu.

Huit matelas sont disposés à l'étage, accessible par cette échelle originale.

Non loin sous les cabanes de Rochassac, on retrouve la bifurcation de l'aller, face à la casse Varnage.

2 - Au départ de Tréminis

Comme pour l'itinéraire n° 1, voir les détails dans le doc PDF dont je remets le lien ici :

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Approche depuis Tréminis (tracé jaune). Pour mémoire, le tracé depuis Longueville est en rouge.

La montée vers Courtet, devant le Château des Chèvres. En haut à gauche, la Tête de la Cavale (2697 m), à droite de laquelle s'étendent les Petites Charances parcourues par le sentier de la Baronne.

Arrivée sur la crête de Courtet vers 1700 m. Au fond, le Grand Ferrand.

Les lames rocheuses des Arçons apparaissent depuis le sentier qui relie Rochassac à Courtet. On les contourne par la gauche pour trouver le passage clé.

Le sentier traverse le torrent de la Pisse. C'est là qu'on peut voir une vieille inscription "Arçons" sur le rocher.

À 1670 m, on quitte le sentier qui traverse vers Rochassac pour monter vers les Lames, et on se demande bien où ça passe.

La solution apparaît avec évidence.

Un sentier subtil et spectaculaire.

Ce passage aurait-il été un peu retaillé pour permettre de se faufiler entre les Lames ? Possible...

Après les Lames, on zigzague dans de raides pentes herbeuses où le sentier reste bien tracé.

Après la petite brèche vers 1900 mètres, on bascule dans le cirque des Arçons cerné par les barres tithoniques qui lui ont donné son nom.

On descend d'abord légèrement le long de la première.

C'est là qu'on réalise pleinement le sens du mot "arçon".

On imagine aussi que ce cirque herbeux présentait un intérêt pour les bergers, au point d'y tracer un tel sentier.

Le bel ensemble architectural des arçons.

Après le cirque des Arçons, on rejoint la crête de Courtet, où paissent souvent quelques vaches venues par la piste depuis la D 216.

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