Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
pascal-sombardier.com

Topos et photos sur la montagne hors des sentiers battus, par l'auteur des Randonnées du vertige

Voreppe : le trou aux Loups

Les belvédères du Bourget et des Maquisards

Options : croix de Roche Brune, trou Noir

En juin 2022, l’incendie qui a ravagé les hauteurs de Voreppe a fait la Une des infos nationales. Depuis, le terrain a été purgé et, à l’exception de certains secteurs soumis aux chutes de pierres, il est possible de s’y aventurer. Le parcours présenté ici se déroule donc dans un décor parfois un peu lunaire (mais parfois fleurie - voir plus bas), mais il permet de visiter quelques curiosités locales et des sites d’habitations millénaires, le tout dans une ambiance aérienne. Il s’agit d’un circuit réservé aux randonneurs à l'aise en terrain escarpé et sachant se repérer.

L’histoire de Voreppe est riche et étonnante. Si l’on s’y intéresse, il faut lire “Voreppe, sentinelle des Alpes”, ouvrage très complet édité par le Corepha, association locale qui recherche et met en valeur les éléments de son patrimoine. On y apprend que le nom de la commune viendrait de mots très anciens, vor et app, qui désignaient le rocher et l’eau et seraient dus aux premiers habitants installés dès 12 000 ans avant J-C sur les rochers où se déroule cette randonnée. Les glaciers venaient de fondre pour laisser place à un immense lac qui s’étendait dans la vallée de l’Isère jusqu’à Rovon. Ses eaux affleuraient aux balmes avant que les alluvions chariées par les torrents dévalant des montagnes ne le comblent. Le nom Voreppe évoquerait donc un rocher au-dessus de l’eau (1).

La balme de Fontabert et la vaste “grotte à Bibi” sont les plus remarquables des cavités qui abritèrent différentes populations jusqu’au dix-neuvième siècle, mais leur accès est interdit depuis l’incendie. Nous nous contenterons donc du trou aux Loups, grotte profonde d’une trentaine de mètres, où, comme dans toutes les balmes du secteur, les fouilles archéologiques d’Hippolyte Müller ont confirmé la présence occasionnelle d’habitants dès  -11 000 ans, et permanente à partir de - 5500 ans. De multiples outils en pierre taillée, en bois, en os et en bronze y ont été trouvés ainsi que des céramiques.

Un peu plus haut, d’autres vestiges témoignent de l’activité qui régnait ici aux mêmes périodes. Sur les terrasses étagées entre les barres rocheuses au-dessus du trou aux Loups se trouvent de nombreux murs, des vestiges de tombes et de ce qui ressemble à un oppidum, et même une grande plate-forme circulaire soutenue par des pierres entassées. Les archéologues se perdent en conjectures sur l’origine de ces témoignages trop anciens pour être rattachés à une civilisation connue. Les ronces qui ont poussé après l’incendie compliquent malheureusement l’accès à ces curiosités, mais pour les plus endurcis, il est toujours possible d’y faire un petit détour.

_____________________________________________

1- Cette théorie me semble plausible, surtout que l'on retrouve ces mêmes mots au Salève, rocher également situé au-dessus d'un lac (le Léman en l'occurence). Le mot varappe désigne même la pratique de l'escalade depuis l'ascension du couloir qui porte ce nom par des grimpeurs pionniers de la fin du dix-neuvième siècle.

Topo détaillé par simple clic sur le doc PDF ci-dessous :

Les Balmes vues de la plaine. L'énorme grotte à Bibi est bien visible en bas à gauche. Au centre, le belvédère des Maquisards. A droite, la crête sud et le belvédère du Bourget.

Les Balmes vues de la plaine. L'énorme grotte à Bibi est bien visible en bas à gauche. Au centre, le belvédère des Maquisards. A droite, la crête sud et le belvédère du Bourget.

Le circuit proposé est en rouge. La prolongation éventuelle à la croix de Roche Brune est en orange.

Le circuit proposé est en rouge. La prolongation éventuelle à la croix de Roche Brune est en orange.

Le trou aux Loups, profond de 28 mètres et haut de 12, a été fouillé par l'équipe d'Hippolyte Müller de 1906 à 1908. Des traces d'occupation remontant à -12 000 ans y ont été trouvées.

Le trou aux Loups, profond de 28 mètres et haut de 12, a été fouillé par l'équipe d'Hippolyte Müller de 1906 à 1908. Des traces d'occupation remontant à -12 000 ans y ont été trouvées.

Son nom laisse supposer que le secteur fut fréquenté par des loups. Aujourd'hui, les loups sont de retour à Voreppe. En 2022, je me suis même retrouvé face à l'un d'entre-eux à l'entrée du village. Mais pour l'instant, dans le trou, c'est calme...

Son nom laisse supposer que le secteur fut fréquenté par des loups. Aujourd'hui, les loups sont de retour à Voreppe. En 2022, je me suis même retrouvé face à l'un d'entre-eux à l'entrée du village. Mais pour l'instant, dans le trou, c'est calme...

En haut à droite de cette photo, on voit bien l'encoche taillée en carré qui permettait aux habitants de la grotte de fixer une poutre pour en fermer l'entrée.

En haut à droite de cette photo, on voit bien l'encoche taillée en carré qui permettait aux habitants de la grotte de fixer une poutre pour en fermer l'entrée.

Après le trou aux Loups, on peut donc continuer dans des gradins et des couloirs jusqu'à la crête. C'est parfois raide, et il faut bien suivre les traces d'animaux qui évitent les zones encombrées par la végétation.

Après le trou aux Loups, on peut donc continuer dans des gradins et des couloirs jusqu'à la crête. C'est parfois raide, et il faut bien suivre les traces d'animaux qui évitent les zones encombrées par la végétation.

Voreppe : le trou aux Loups
Le passage le plus délicat consiste à passer à droite de ce bloc qui barre un petit couloir.

Le passage le plus délicat consiste à passer à droite de ce bloc qui barre un petit couloir.

En avril 2024, tout ce versant était recouvert d'énormes grappes de saponaires, au point qu'on ne pouvait éviter de marcher dedans. Du grand spectacle !

En avril 2024, tout ce versant était recouvert d'énormes grappes de saponaires, au point qu'on ne pouvait éviter de marcher dedans. Du grand spectacle !

Si l'on regarde bien depuis la vallée, on sera surpris du nombre de ces fleurs qui tapissent le rocher sur plusieurs kilomètres. Une conséquence de l'incendie ? Une revanche de la nature ?

Si l'on regarde bien depuis la vallée, on sera surpris du nombre de ces fleurs qui tapissent le rocher sur plusieurs kilomètres. Une conséquence de l'incendie ? Une revanche de la nature ?

Une fois sur la crête sud, il faut encore surmonter ce petit ressaut rocheux, plus facile qu'il n'y paraît.

Une fois sur la crête sud, il faut encore surmonter ce petit ressaut rocheux, plus facile qu'il n'y paraît.

Après le belvédère du Bourget, on continue sur la crête sud par un chemin classique, mais dans un décor de science-fiction dû aux arbres calcinés.

Après le belvédère du Bourget, on continue sur la crête sud par un chemin classique, mais dans un décor de science-fiction dû aux arbres calcinés.

Le point le plus haut permet un arrêt panoramique : à gauche, la Sure, au centre les Rochers de Lorzier et de Chalves. A droite, l'aiguille de Chalais.

Le point le plus haut permet un arrêt panoramique : à gauche, la Sure, au centre les Rochers de Lorzier et de Chalves. A droite, l'aiguille de Chalais.

Depuis le bourg de Voreppe, on aperçoit ainsi la crête sud. Avant l'incendie, on ne voyait absolument pas ces dalles rocheuses qui étaient recouvertes par une végétation assez dense. A droite, la croix de Roche Brune.

Depuis le bourg de Voreppe, on aperçoit ainsi la crête sud. Avant l'incendie, on ne voyait absolument pas ces dalles rocheuses qui étaient recouvertes par une végétation assez dense. A droite, la croix de Roche Brune.

Lors de la descente vers le belvédère des Maquisards, on croise cette ruine située près d'une source. On se prend à rêver de ce que pouvait être ici la vie et la vue sur la vallée avant la "civilisation" moderne...

Lors de la descente vers le belvédère des Maquisards, on croise cette ruine située près d'une source. On se prend à rêver de ce que pouvait être ici la vie et la vue sur la vallée avant la "civilisation" moderne...

Il y avait là tout ce qu'il faut à la vie : de l'eau, du bois et des champs pour élever les bêtes.

Il y avait là tout ce qu'il faut à la vie : de l'eau, du bois et des champs pour élever les bêtes.

Il s'agissait sans doute d'une dépendance de la ferme de la Tençon située au-dessus et toujours en activité, elle.

Il s'agissait sans doute d'une dépendance de la ferme de la Tençon située au-dessus et toujours en activité, elle.

Les prairies de la Tençon sous les falaises du Grand Ratz.

Les prairies de la Tençon sous les falaises du Grand Ratz.

Depuis le belvédère des Maquisards, le coucher de soleil sur la vallée de l'Isère est toujours un grand moment.

Depuis le belvédère des Maquisards, le coucher de soleil sur la vallée de l'Isère est toujours un grand moment.

Descente raide sur le hameau du Bourget, toujours au milieu des arbres calcinés.

Descente raide sur le hameau du Bourget, toujours au milieu des arbres calcinés.

_______________________________________

Option destinée aux insatiables qui voudraient rallonger l'itinéraire : la croix de Roche Brune

Roche Brune (931 m) telle qu'on la voit depuis Voreppe. Selon les géologues et les géographes, ce sommet constituerait l'extrême pointe sud du Jura, mais on le rattache traditionnellement à la Chartreuse, dont il n'est séparé que par le col de la Placette.

Roche Brune (931 m) telle qu'on la voit depuis Voreppe. Selon les géologues et les géographes, ce sommet constituerait l'extrême pointe sud du Jura, mais on le rattache traditionnellement à la Chartreuse, dont il n'est séparé que par le col de la Placette.

La croix de Roche Brune domine de raides falaises où de nombreuses voies d'escalade ont été tracées.

La croix de Roche Brune domine de raides falaises où de nombreuses voies d'escalade ont été tracées.

On peut faire un simple aller-retour à la croix de Roche Brune, mais de là-haut, d'autres retours sont possibles, et notamment la descente par le trou Noir. Ainsi réalisée, la randonnée devient carrément longue et engagée, et il vaut mieux avoir repéré les lieux préalablement. Voir les détails sur cette autre page de mon blog : https://www.pascal-sombardier.com/2018/03/le-trou-noir-de-la-buisse.html

____________________________________________

Ce secteur de Voreppe ne s'appelle pas "les Balmes" pour rien. La falaise qui se développe au nord vers La Buisse a été très travaillée par l'érosion de l'ancien glacier de l'Isère. De multiples alvéoles y sont visibles, ainsi que quelques grottes plus grandes. La plus impressionnante est la grotte de l'Ermitage ou "grotte à Bibi", surnom d'un tailleur de pierre qui habitait à son pied au dix-neuvième siècle, un Genève (nom très répandu à Voreppe et à Pommiers). Cette immense baume avait été convertie en stade de dry-tooling, mais son accès est interdit depuis l'incendie en raison des chutes de pierres. La grotte de Fontabert, située non loin à sa gauche, est également interdite. Elle est moins visible et moins spectaculaire, mais comme les autres balmes, elle a révélé de nombreux trésors archéologiques, dont un célèbre bijou : le croissant de jade.

La grotte de Fontabert a été fouillée par Hippolyte Müller de 1894 à 1907. Elle était recouverte d'ossements humains. Dans l'ouvrage du Corepha, une étonnante photo d'époque y montre 50 personnes entourant Müller. Il ne s'agissait sans doute pas d'un concours d'élégance, mais les hommes sont pourtant tous en costume et les femmes en crinoline et chapeau.

La grotte de Fontabert a été fouillée par Hippolyte Müller de 1894 à 1907. Elle était recouverte d'ossements humains. Dans l'ouvrage du Corepha, une étonnante photo d'époque y montre 50 personnes entourant Müller. Il ne s'agissait sans doute pas d'un concours d'élégance, mais les hommes sont pourtant tous en costume et les femmes en crinoline et chapeau.

La grande grotte à Bibi était d'un accès suffisamment raide pour justifier quelques barreaux de type via ferrata dans le soubassement à droite.

La grande grotte à Bibi était d'un accès suffisamment raide pour justifier quelques barreaux de type via ferrata dans le soubassement à droite.

Après les barreaux, une traversée sur une margelle étroite en permettait l'accès. Le site est aujourd'hui interdit, mais on peut toujours apercevoir les sangles d'assurage des adeptes du dry-tooling qui pendent dans la voûte.

Après les barreaux, une traversée sur une margelle étroite en permettait l'accès. Le site est aujourd'hui interdit, mais on peut toujours apercevoir les sangles d'assurage des adeptes du dry-tooling qui pendent dans la voûte.

Couverture de l'ouvrage passionnant du Corepha, trouvable sur place. Les 272 pages traitent de tous les sujets : développement et urbanisme, archéologie et histoire jusqu'à nos jours, le tout avec le concours de nombreux scientifiques. Nombreuses illustrations, dont des cartes anciennes, et un étonnant photomontage (p. 116) qui évoque l'ancien lac (dit "de Moirans") vu de la grotte à Bibi. Fasciné par cette histoire vieille de 14 000 ans, je n'ai pas pu résister à tenter le même genre de montage (photo suivante).

Couverture de l'ouvrage passionnant du Corepha, trouvable sur place. Les 272 pages traitent de tous les sujets : développement et urbanisme, archéologie et histoire jusqu'à nos jours, le tout avec le concours de nombreux scientifiques. Nombreuses illustrations, dont des cartes anciennes, et un étonnant photomontage (p. 116) qui évoque l'ancien lac (dit "de Moirans") vu de la grotte à Bibi. Fasciné par cette histoire vieille de 14 000 ans, je n'ai pas pu résister à tenter le même genre de montage (photo suivante).

Selon toute logique, les populations de cette époque devaient donc savoir construire des embarcations. J'aimerais revenir 14 000 ans en arrière...

Selon toute logique, les populations de cette époque devaient donc savoir construire des embarcations. J'aimerais revenir 14 000 ans en arrière...

A voir sur ce blog dans le même secteur : 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article