Topos et photos sur la montagne hors des sentiers battus, par l'auteur des Randonnées du vertige
12 Novembre 2019
"Le trek le plus engagé d’Europe, le plus sauvage, le plus technique… 7 jours avec bivouacs le long d’une des plus belles côtes de Sardaigne "
Le départ à Pedra Longa. Au fond, la punta Giradili, dont on va emprunter, sous la grande baume, la vire médiane. Une rando classique à faire de toute façon.
Un mythe surfait
« Le trek le plus engagé d’Europe... » En lisant ces lignes, on est forcément intrigué… et attiré si l’on a tendance à distiller un parfum d’aventure dans ses randos. Alors, en 2015, nous sommes allés faire ce fameux Selvaggio Blu en famille et en profitant de la possibilité de se faire apporter l'eau, les vivres et le couchage le soir par des bergers locaux reconvertis en agents touristiques, solution qui évite de porter des sacs de plus de 20 kg. Première surprise : les « bergers », qui se revendiquent comme tels, sont en fait de redoutables hommes d'affaire et demandent une fortune (100 € par jour) pour une logistique pourtant assez simple à mettre en œuvre, d’autant plus qu’ils guident en même temps des groupes de touristes malheureusement assez bruyants et surtout préoccupés par le menu du soir, et qui payent 3 fois plus ! Mettre un sac de plus ou de moins dans un 4x4 ou un bateau, cela vaut-il 100 € ? Soit dit en passant, le caractère sauvage du trek en prend un sérieux coup dès lors qu’on s’aperçoit qu’une piste ouverte à la circulation passe non loin derrière l’itinéraire. Certaines étapes arrivent sur cette route ou la croisent. Le premier jour, après la vire Giradili, on rejoint ainsi un site fréquenté par de nombreux badauds, et pour préserver son label « aventure », le tracé contourne la piste par des lapiaz pour revenir dessus au bivouac ! C’est un peu stupide, et annonce l’autre surprise : la plupart des étapes, très difficiles à trouver (mais cela fait partie du jeu), se déroulent dans des lapiaz particulièrement acérés et dangereux (rien à voir avec nos petites dalles). Difficile d’éprouver du plaisir sur ce terrain, d’autant plus que les magnifiques vues promises sur la Méditerranée se font rares du fait qu’on évolue la plupart du temps dans un épais maquis. Les endroits de bivouac s’avèrent étriqués et sombres et les quelques calanques approchées pas vraiment belles (la « plage » de la fameuse cala Goloritze est dominée par un éboulis et la beauté du site ne se révèle que depuis ses hauteurs). Les cala Sisine et di Luna sont envahies par des touristes venus en bateau, et la liaison pédestre avec Cala Gonone est mortellement ennuyeuse... Il n’y a guère que la portion Mudaloru - Su Feilau qui trouve grâce à mes yeux. Il faut préciser que tous ces sites sont accessibles facilement et rapidement depuis la piste. Beaucoup de randonneurs procèdent ainsi, car cela évite les problèmes logistiques, le voisinage indésirable et la déroute financière... Certains Tour Operators français ont intelligemment mis à leur programme des parcours partiels, incluant les sites les plus beaux et les plus intéressants. Ou alors, comme font certains sportifs, il faut partir en autonomie complète et quasiment courir pour limiter le trek à 2 ou 3 jours, mais cela ne change rien au caractère désagréable du terrain. Resteront dans notre souvenir ces quelques images de sites lumineux sur lesquels nous sommes retournés à la journée pour en profiter plus sereinement, sans oublier que la Sardaigne renferme d’autres merveilles, y compris dans d'autres secteurs, parfois plus belles encore.
Voir la carte du secteur avec le tracé du Selvaggio Blu (cliquer sur l'image et attendre quelques secondes pour obtenir la netteté). C'est une carte que j'ai actualisée en ajoutant les axes principaux, les points d'intérêt et en traçant le parcours du Selvaggio Blu. Attention aux cartes locales qui comportent beaucoup d'erreurs et d'imprécisions.
Infos supplémentaires observées lors d'un voyage en mai 2019 : les ex-bergers essayent de développer le tourisme sur leur plateau. On peut les comprendre, mais cela ne sera pas du goût de tout le monde. On commence à voir fleurir des panneaux (pas toujours compréhensibles) qui indiquent des randonnées à partir de la piste qui relie le Golgo à la cala Sisine. Cette piste a d'ailleurs été nivelée sur 6 km jusqu'à un bar surréaliste installé en plein maquis... Les randonnées qui ont pour but des plages utilisent des sections du Selvaggio Blu, lesquelles ont été aplanies et balisées. Mais ces balisages sont régulièrement grattés par ceux qui voudraient conserver le caractère sauvage des Supramonte, et je ne peux les blâmer. Il y a une limite à ne pas dépasser dans la surenchère du tourisme à tout prix. Déjà que les compagnies maritimes basées à Cala Gonone déversent quotidiennement des foules en saison sur la plupart des plages... Il faut dire que la côte vue de la mer est absolument magnifique, et qu'on ne profite pas pleinement (loin de là !) de tous ses incroyables reliefs depuis les hauteurs. Mais le comble me paraît être le train touristique qui fait le tour du Golgo depuis Baunei, comme dans un vulgaire parc d'attraction. Là, je pense qu'une limite a été franchie.
L'ovile de Us Piggius, situé au bout de la vire Giradili, est encore occupé par un berger et ses chèvres. Les oviles sont des huttes construites en branches de genévrier sur un soubassement en pierre.
L'ovile Su Runcu 'e Su Pressu. On trouve de nombreuses huttes de berger (cuile en dialecte local) de ce genre dans le maquis sarde, souvent en meilleur état.
Sur la vire entre Mudaloru et Su Feilau, on trouve plusieurs cavités comme celle-ci, des lieux parfaits pour le bivouac, et au fond desquels on peut trouver de l'eau. Mais, du fait qu'ils ne sont pas accessibles en 4x4 ou en bateau, ils ne constituent pas des lieux de bivouac "officiels" pour les tour operators...
La descente de l'autre côté de l'arche est quelque peu acrobatique, sur ces fameux "fustes" (branches de genévrier). La photo est de Laurent Jacquet.
Près d'Ololbissi et au-dessus de Su Feilau, vue sur la lame rocheuse que l'on vient de traverser par une belle arche (ce n'est pas celle que l'on voit sur cette photo, qui est plus haute et plus grande).
S'architeddu Lupiru, située au bord de la piste à quad qui descend à la cala di Luna, est un véritable chef d'œuvre de la nature. Sans conteste l'une des plus belles arches d'Europe.
J'évoque également le Selvaggio Blu sur d'autres pages de mon site :
Sardaigne : bords de mer - pascal-sombardier.com
Comme annoncé dans le post précédent, voici quelques images et infos sur le littoral sarde. On peut difficilement parler de la grande île sans évoquer ses 2000 km de côtes, malheureusement as...
https://www.pascal-sombardier.com/2020/11/sardaigne-bords-de-mer.html
Sardaigne, reliefs étranges - pascal-sombardier.com
La Sardaigne a été pour moi une révélation tardive et en plus, il m'a fallu une période d'adaptation, car ce pays lumineux et coloré ne se laisse pas apprivoiser facilement. Petit à petit, j...
https://www.pascal-sombardier.com/2020/11/sardaigne-reliefs-etranges.html
Sardaigne : histoire et patrimoine - pascal-sombardier.com
Je n'ai pas la prétention de retracer ici l'histoire de la grande île, qui est particulièrement complexe et mystérieuse sur bien des points. Je propose simplement quelques images qui m'ont frap...
https://www.pascal-sombardier.com/2020/12/sardaigne-histoire-et-patrimoine.html